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14 septembre 2013

La TELEVISION, objet d' ALIENATION de l'individu

Vous parlez d'illusion, d'aliénation, c'est important, car un des grands arguments que l'on rétorque lorsqu'on critique la télé est le fait que le téléspectateur possède son libre-arbitre.

Cela vient d'abord du phénomène visuel. La télévision c'est de l'image à distance, c'est la différence avec la radio. A la radio, il y a une marge pour l'imagination. De plus, on peut continuer à bouger, à travailler, ce que l'image ne nous permet pas. Même mobile, l'image nous fixe et nous fige. Elle simule le monde, elle nous piège, elle nous emprisonne. Les Grecs anciens l'avaient déjà remarqué, il y a dans l'image une sorte de simulation fascinante qui nous fait perdre de vue le réel. Un des textes les plus célèbres, l' Allégorie de la caverne de Platon, nous donne le schéma de tous les rapports de l'homme à l'image. Le philosophe décrit les humains comme installés au fond d'une caverne regardant sur la paroi des ombres s'agiter. Ils croient que c'est la réalité. Il faut que quelqu'un les amène à se retourner et à sortir de la caverne pour qu'ils se rendent compte que ce ne sont que des images qui défilent sur les parois et qu'il faut quitter la caverne pour voir la réalité. La télévision, aussi proche qu'elle soit de l'actualité nous donne à voir le monde sous forme d'images. Face à un écran allumé, on a presque un phénomène éthologique, un comportement de l'espèce. L'oeil est attiré par la source lumineuse. C'est un automatisme visuel. La télévision flatte ce besoin scopique. Il faut s'interroger sur le succès planétaire de la forme "écran", ceux des téléviseurs et des écrans d'ordinateurs. Une partie de l'humanité passe sa vie devant un écran.

Lorqu'on allume la télévision, on est face à un flux d'images indifférencié qui entraîne le règne de l'indifférenciation...

L'effet de l'image télévisuelle est double. Il y a l'effet hypnotique. La télé pousse à la léthargie, endort le téléspectateur car c'est une image qui revient sans arrêt. On peut l'étudier de manière psychologique, presque biologique. Il y a une baisse de la vigilance. Une image chasse l'autre. Cela créé une instabilité, les contenus des images ne sont jamais identifiés. On perd 90% de l'information au cinéma et à la télé. Il y a une perte gigantesque dans la représentation audiovisuelle.

Regarder la télévision a aussi des conséquences sur le corps et sur la manière de vivre. C'est le poste de télévision qui règle la disposition d'un mobilier dans les pièces où les gens vivent. Regarder la télé, c'est être immobilisé. La journée, on est souvent assis au travail, c'est de plus en plus l'oei qui fait l'essentiel. Le corps est peu solllicité dans la vie quotidienne: assis au travail, assis dans les transports, assis devant la télévision et ensuite au lit...

C'est un phénomène nouveau dans l'histoire de l'humanité. On ne sait pas quelles en seront les conséquences physiques et neurologiques. Le corps se voit morcelé, coupé en tranches, chaque activité est développée sur le mode d'une technique. Une technique, cela signifie un temps déterminé, un coût déterminé. Avec le sport, les fonctions du corps sont réservées à des moments précis où on fait des performances. On s'installe dans une vie artificielle, toutes les séquences se suivent et ne sont plus du tout intégrées dans un mode de vie culturel et harmonieux.

Vous parlez aussi d'un rituel du spectacle...

La place de la télé s'explique pour des raisons banales de questions pratiques. Dans beaucoup de maisons occidentales, le téléviseur est le centre visuel de la pièce, on va en attendre des spectacles exceptionnels. On a besoin de faire tourner la vie autour du téléviseur. La télé retrouve la place des objets sacrés des civilisations traditionnellles: l'objet autour duquel on tourne, autour duquel on s'installe pour la prière, pour les cérémonies. Je commence mon livre en écrivant; "imaginons un extraterrestre qui débarquerait sur terre et qui verrait le soir à 20 heures des millions de personnes assises devant une source lumineuse, il dirait:"c'est ce que j'ai vu dans les temples bouddhistes ou dans les pyramides il y a dix ou vingt siècles en Amérique du Sud. C'est un objet de culte".

Face à la télévision, il y a aussi des places instituées, notamment celle du chef de famille...

Absolument, il y a beaucoup de rituels domestiques qui s'ordonnent en fonction de la télé. Il y a à la fois l'espace et le temps. Le temps est organisé en fonction du spectacle à voir. La télévision règne sur la vie quotidienne. Nous avons de moins en moins conscience de cette tyrannie.

L'écran procure ce que vous appelez un sentiment de toute-puissance;

Ce phénomène s'étend au cinéma, par la technique de reproduction du réel, on a l'impression que l'on voit le monde beaucoup mieux que dans la réalité. On voit plus de choses que ce que notre propre expèrience nous permet de saisir. Une caméra nous place à des endroits du monde où nous n'aurions pas pu aller. Voir nous donne l'impression que rien ne nous résiste. Cette sensation de puissance cache une impuissance, les êtres sont irréels puisque l'on n'a aucun rapports avec eux. La télévision donne accès aux gros plans et donc l'impression d'être au coeur du monde et pourtant nous sommes seuls, dans la distance et le silence. C'est une illusion totale de proximité. On dit souvent qu'il ne faut pas critiquer la télé car elle permet de compenser la solitude; c'est une compensation artificielle car il n'y a pas d'échanges. C'est le type même d'un artefact illusoire, d'autant plus qu'on à l'impression de dominer le monde.

La télévision est souvent considérée comme une fenêtre ouverte sur le monde: vous parlez d'un spectacle contrefait.

Le phénomène optique de l'enregistrement est une sélection. Il y a une différence entre ce que vous vivez et ce que vous enregistrez. Le monde se rétrécit dès qu'il est mis en image, il y a une perte fondamentale du monde ambiant. Si on montre les coulisses, de temps en temps, il n'empêche qu'il y a des coulisses permanentes et qu'on fait comme si elles n'existaient pas. Le vrai spectacle, comme le théâtre, ou la fête transforme la vie. On passe dans un nouvel espace. On sait qu'on crée un monde artificiel, que les gens se maquillent, qu'il y a des coulisses...Il y a une unité de temps et d'espace du spectacle. On sait lorsque ça commence et lorsque ça s'arrête. Durant le spectacle, de nouveaux codes fonctionnent. C'est ce qui disparaît avec la télé. Le réel et le jeu sont complètement confondus. L'essence même du phénomène visuel ne change pas. Sur le même écran avec la même vitesse de défilement, on passe d'un reportage à un film à un débat... Il y a une abolition du spectacle et une spectacularisation de la vie. Cette confusion nouvelle semble être la caractéristique fondamentale de la télévision. Dans la fonction divertissante de la télé, les films jouent un rôle important. Regarder tous les jours des films est une boulimie. On a besoin de rêver, de se divertir. Voir chaque jour des histoires filmées me semble pathologique. La multiplication des chaînes montre qu'il y a un besoin croissant de productions filmiques. Jusqu'à nouvel ordre nous n'avons ni le génie inventif ni les finances pour réaliser autant de films. Il y a une généralisation des feuilletons à l'eau de rose des images au kilomètres qui sont là pour distraire...

La télévision aimerait aussi tout voir et être partout.

Le média lui-même est soumis à une contrainte invraisemblable: le temps. Il y a une obsession du temps qui fait que les images doivent tenir dans un laps de temps extrêmement sérré. Or certains faits doivent prendre du temps pour être montrés, explorés. Dans les informations, il y a une réduction du commentaire qui entraîne un appauvrissement. Du fait de la nature même de l'image, il y a une imposture, on croit être informé-e-s alors que l'info est réduite au minimum.

On a l'impression que l'image est plus crédible que le texte.

C'est une mystification de l'art télévisuel: faire croire que l'image est une source de réalité mécanique, alors qu'elle est fabriquée de A à Z par les appareils d'enregistrement, par le point de vue, par le montage, par la bande-son...

L'image est arificielle, quand elle n'est pas truquée dès le départ. On sait très bien que dès qu'une caméra pénètre dans un champ, les personnes filmées ne sont plus naturelles. Il y au une mise en scène spontanée qui transforme la réalité. Il y a théâtralisation dès qu'il y a une caméra. Comme certaines techniques, la télé enregistre une réalité déjà transformée par le fait qu'on l'enregistre. La télévision se fait oublier. Personne n'aurait l'illusion dd dire qu'un livre est la réalité, on n'oubliera pas d'aller voir le réel. Le livre ne fait pas écran avec la réalité, c'est un intermédiaire, un outil, mais il ne remplacera jamais le réel. Or, la télé fait croire que le réel est là.

Vous mettez en garde contre la fonction culturelle de la télévision.

On aborde une question délicate. La critique du rôle culturel est difficile à porter. Le petit écran à permis à des milliards de téléspectateurs de découvrir des aspects de l'humanité qu'ils n'auraient jamais découverts.

En terme d'élargissement de la vie de l'esprit, il y a une source d'informations inédite et qui peut être considérée comme une progression. Pour qu'il y ait culture, il faut une hiérarchisation, une mise en ordre des savoirs. La télé est le contraire de l'école, il n'y a aucun cheminement, aucune errance, c'est le désordre mental. La démagogie culturelle se confond avec la démocratie culturelle. L'audiovisuel est un des outils qui permet la diffusion du savoir.

C'est un outil de diffusion et non de constitution des savoirs. Le savoir passe par la maîtrise de l'abstraction, la capacité de raisonner, de maîtriser une langue et des concepts. Faire croire que l'on peut éviter cela est un mensonge. Les activités de réflexion suppose de l'abstraction, donc, à un moment donné, l'absence d'image. La pensée prend du temps.

Vous expliquez que la télévision fabrique des idoles.

Son vrai pouvoir est un pouvoir de consécration, du langage et des individus. N'importe qui peut s'en apercevoir, par exemple lors d'un évènement local.

Si vous avez "la chance" de passer deux minutes à la télé, vos voisins vont vous dire "on vous a vus à la télé". Le simple fait d'avoir été vu à la télé vous transforme. Cela donne une valeur à quelqu'un. Chacun peut expérimenter ce pouvoir, l'expression la plus sinistre étant "vu à la télé". Le médium remplace le message, c'est une fabrication fantasmatique de valeurs. C'est une des caractéristiques les plus sournoises de la modernité.

Si on ne passe pas à la télé, on n'existe pas. Il faut donc faire en sorte d'y passer et intégrer ses formes...


Les faits montrés à la télé sont préfabriqués pour la télé. Même les évènements politiques se déroulent de telle manière qu'ils puissent passer à la télé. Les plus grands évènements sont calculés en fonction d'une programmation télévisuelle.

On a besoin de produire du spectacle, il n'y a pas de spontanéité. Il y a un style pour passer à la télé, cette stylisation va de plus en plus envahir l'ensemble de la société. Son dispositif sert de modèle dans la manière dont les gens produisent de l'évènement historique.

Cette culture télévisuelle est intégrée par d'autres médias, comme la presse.


C'est une des grandes réussites de la télé. Elle a réussi à imposer son style à notre société. Le visuel est prioritaire sur le contenu. Le contenu doit toujours être relayé par l'image, l'écrit seul n'a plus l'attrait suffisant pour servir de support à la communication. Tous les messages sont retravaillés pour que la lecture soit la plus simple possible. Le zapping est la révolution culturelle de l'oeil. Nous sommes face à un appauvrissement de la communication.

Et aussi de l'imagination...


C'est un des paradoxes. La télé permet de fournir à des individus de quoi rêver. On peut s'interroger là-dessus. La rêverie, ce n'est pas simplement consommer des images, des histoires, des feuilletons. Rêver, c'est être capable par soi-même de produire de la rêverie, imaginer, pas simplement consommer des images préfabriquées. La télé surcharge l'imaginaire de stéréotypes. Avec trois ou quatre heures de télévision, où peut-on trouver le temps de rêver? Lorsque les gens sont privés de petit écran, il y a des moments de catastrophes, car ils n'ont plus les ressources intérieures pour vivre par eux-mêmes. Il faut recréer des mondes intérieurs et découvrir ses propres richesses.

La télévision appauvrit le lien social.


La magie de l'écran est une communication à sens unique. Il y a simulation de l'échange, nous n'avons pas à être présent à l'autre, à engager notre disponibilité, à être à l'écoute. Les êtres conditionnés par la télé peuvent se conduire dans la vie comme ils se comportent face aux personnages qu'ils voient défiler sur leurs écrans. La télé, c'est la vie confisquée.

Extrait "Divertir pour dominer".P34-41

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