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28 novembre 2013

LES Milliardaires ne connaissent pas la crise (ou en profite? ou encore, mieux la génère...)

La richesse des milliardaires du monde a doublé depuis 2009

Depuis 4 ans, on nous parle de crise, de récession, de rigueur, qui engendrent inévitablement une baisse de pouvoir d’achat.

Mais contrairement à la crise de 1929, où les banques se sont écroulées une après l’autre telles des dominos, victimes de leurs erreurs de spéculation, il semblerait désormais que les banques soient plus lucides ou (et ?) protégées (par les États ?), car cette crise qui dure, et perdure, ne voit aucune banque passer et trépasser, alors que leurs clients (quel travailleur, et même chômeur, n’a pas un compte bancaire ?) , là où leurs "bienfaiteurs" partaient en banqueroute par le passé, partent eux en déroute totale, aujourd’hui, victimes des erreurs de leurs bailleurs.

L’article qui suit vous démontre clairement que, dans la société actuelle, ce n’est pas le travail qui engendre la richesse. Et pourtant ..., s’il n’y avait pas des ouvriers pour travailler et produire, sur quoi spéculeraient nos grands riches inactifs ?

PEUPLE, REVEILLE-TOI !

Chien Guevara

http://forget.e-monsite.com/pages/les-scandales/la-richesse-des-millia...

La richesse des milliardaires du monde a doublé depuis 2009

Par Andre Damon / 14 novembre 2013

Alors que les travailleurs aux États-Unis et ailleurs dans le monde voient leurs revenus chuter, la valeur nette combinée des avoirs des milliardaires du monde a doublé depuis 2009, selon un rapport publié mardi par UBS et Wealth-X, des sociétés-conseils faisant un suivi des super-riches.

La richesse collective des milliardaires du monde atteint maintenant le sommet de 6 500 milliards de dollars, un chiffre presque aussi grand que le produit intérieur brut de la Chine, la deuxième économie du monde. Le nombre de milliardaires a augmenté à 2 170 en 2013, alors qu’il était de 1 360 en 2009, selon le rapport.

Le vaste enrichissement de cette couche sociale provient de la flambée des marchés boursiers, alimentée par « l’argent facile » et les opérations d’impression de la Réserve fédérale américaine et d’autres banques centrales. Ce processus s’intensifie. Ainsi, la semaine dernière, la Banque centrale européenne, répondant à une détérioration des conditions économiques en Europe, a abaissé son taux d’intérêt directeur de moitié, le faisant passer de 0,5 pour cent à 0,25 pour cent, insufflant ainsi une nouvelle vague de liquidités dans les marchés financiers.

Le lendemain de la publication du rapport de Wealth-X, Twitter, le service de réseautage social, a lancé son offre publique initiale, créant 1 600 millionnaires sur papier en une seule journée, alors que ses actions ont doublé en quelques heures selon le cabinet d’analyse financière PrivCo. Evan Williams, co-fondateur du site, a augmenté sa richesse dans le processus, la faisant passer de 1 milliard de dollars à 2,5 milliards de dollars. L’autre co-fondateur, Jack Dorsey, a fait 500 millions de dollars, ce qui porte maintenant sa fortune à 2 milliards de dollars.

Ce rapport sur la richesse reflète la croissance parasitaire du secteur financier dans l’économie mondiale. Ainsi, 17 pour cent des milliardaires ont amassé leur richesse dans les secteurs financier, bancaire et de l’investissement plus que tout autre, alors que seulement 8 pour cent se sont enrichis dans le secteur manufacturier.

La grande expansion dans les revenus des super-riches survient alors même que les services sociaux subissent des compressions sauvages aux États-Unis, en Europe et dans le monde entier. Plus tôt ce mois-ci, les prestations de coupons alimentaires ont été réduites pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, et les prestations de chômage prolongées doivent expirer complètement à la fin de l’année.

Le budget du programme de coupons d’alimentation SNAP est actuellement de 74,6 milliards de dollars par année, et le financement pour un an de la prolongation des allocations de chômage prolongées qui prendront fin en janvier coûterait 25,2 milliards de dollars. La valeur nette combinée des avoirs des 515 milliardaires américains permettrait de financer ces deux programmes pendant 100 ans.

En plus d’analyser la richesse des milliardaires du monde entier, le rapport documente les énormes sommes dépensées par ceux-ci en articles de luxe. Les milliardaires du monde entier possèdent pour environ 126 milliards de dollars en yachts, jets privés, oeuvres d’art, antiquités, articles de mode, bijoux et voitures de collection. Ce chiffre est supérieur au produit intérieur brut du Bangladesh, un pays de 150 millions de personnes.

Les 2 170 milliardaires du monde détiennent 48 milliards de dollars en yachts, soit une moyenne de 22 millions de dollars par navire. Pour mettre ce chiffre en perspective, les Nations Unies ont estimé que pour éradiquer la faim dans le monde, il faudrait un investissement de 30 milliards de dollars par année.

Le rapport estime les avoirs immobiliers des milliardaires de la planète à 169 milliards de dollars, soit en moyenne 78 millions de dollars par personne. Comme il est noté dans le rapport, « le milliardaire moyen possède quatre maisons, chacune ayant une valeur de près de 20 millions de dollars. »

Le rapport ajoute : « Le temps et la distance sont rarement des limites pour les milliardaires du monde, beaucoup ayant un ou deux jets privés, un super yacht et d’autres modes de transport confortables et rapides, sans parler de plusieurs maisons disséminées ailleurs dans le monde. »

En dépit de leur mobilité, les milliardaires du monde sont concentrés autour des grands centres financiers tels New York, qui compte 96 milliardaires, suivi par Hong Kong avec 75, Moscou avec 74, et Londres avec 67. Si la richesse des milliardaires de New York était réparties entre les 1,7 millions d’habitants pauvres de la ville, chacun obtiendrait 170.000 dollars.

La couche sociale des super-riches représente un énorme fardeau pour la société mondiale, car elle ne produit rien de valeur alors qu’elle monopolise de vastes ressources. Non seulement de vastes ressources sociales sont consacrées à l’enrichissement personnel des super-riches, mais de plus, leur domination sur la vie économique et politique agit comme un bloc à toute solution rationnelle aux grands problèmes auxquels est confrontée l’humanité. Le contrôle des super-riches sur tous les aspects de la vie politique à travers le monde a des conséquences désastreuses.

Cet état de fait est le résultat inévitable du système capitaliste, qui traite la richesse des milliardaires du monde entier comme sacro-sainte, alors que les besoins de la population, tels que l’éducation, le logement et la santé, sont sujets à être sacrifiés.

Andre Damon

Source : http://www.wsws.org/fr/articles/2013/nov2013/rich-n14.shtml

Commentaires
La richesse des milliardaires du monde a doublé depuis 2009
21/11/2013 à 15:41, par bob

Les milliardaires du monde entier et leur cohorte des plus belles filles du monde qui font la une des magazines que vous achetez, remercient également vos armées de bien vouloir, aux frais de vos peuples et des contribuables, faire respecter l’ordre dans les couloirs que franchissent nos yachts en acajou pour pouvoir en paix rejoindre nos nombreux paradis fiscaux. Ceci nous encourage à continuer encore longtemps, puisque c’est à vous que nous devons de nous gaver quotidiennement de caviar, de champagne, de dormir dans des suites cinq étoiles et de rouler en somptueuses voitures de sport...

voir : http://2ccr.unblog.fr/2013/11/21/les-milliardaires-vous-remercient/

un peu d’humour ça ne fait pas de mal ...

22/11/2013 à 09:05, par résistant

Comme bien trop souvent, cet article ne traite malheureusement que de la partie émergée de l’iceberg, les miettes : la fortune personnelle des milliardaires.
La quantité d’argent possédée par les grandes banques et industries est quasi-illimitée.
C’est pourquoi cet article ne rend pas vraiment compte de la situation : il ne sagit pas seulement de piquer des sous aux riches particuliers. Si l’on nationalisait et rationalisait les moyens de production actuellement privés, c’est nous tous qui serions riches, et dans un monde bien plus paisible et propre.

24/11/2013 à 01:31, par Chien Guevara

@ Resistant

Entièrement d’accord avec toi sur les "miettes", quoique ... les 1% qui ont 99 % (ce n’est pas de moi, c’est reconnu) ; ces chiffres ne prennent en considération que les particuliers. 
Donc comme tu le dis, l’argent "virtuel", celui des banques, des sociétés, est sans aucun doute plus important.
Mais je trouve quand même l’article bien plus concret, intelligent et complet, que ceux qui critiquent le cumul des mandats des élus, car si la richesse des 1% de milliardaires ne représente que (je te cite) "des miettes", alors l’argent du cumul des mandats des élus, c’est du pourboire !
Tout un chacun des 99 % se contenterait bien du "pourboire" ...

 

 

 

La mort de la démocratie ne sera probablement pas le résultat d’une embuscade. Ce sera une lente extinction par apathie, indifférence et privation.

 

Robert M. Hutchins

 

 

Etats-Unis : la grande grève des salariés de Walmart
18
01-2014

Les salariés du géant de la distribution Walmart ont lancé un mouvement de grève et de protestation historique qui a connu son point culminant les 22 et 23 novembre derniers, à l’occasion du Black Friday (« Vendredi noir »), le jour des soldes qui ouvre la saison des achats de Noël. Des manifestations très importantes ont eu lieu le samedi, en particulier à Washington DC.

Le mouvement a pris de l’ampleur après la répression (licenciements, mesures disciplinaires, arrestations) s’abattant sur des dizaines de salariés qui ont participé à une grève d’une semaine au mois de juin. Cette action était organisée par OUR Walmart (Organization United for Respect at Walmart), une association des travailleurs de Walmart soutenue par l’UFCW, le syndicat national des salariés de la distribution.

Walmart est le plus gros employeur au monde, avec 2,1 millions de salariés (dont 1,3 million aux Etats-Unis) et plus de 6 100 supermarchés, hypermarchés et filiales répartis dans 10 pays. C’est le numéro un mondial de la grande distribution (devant Carrefour), le plus gros chiffre d’affaires au monde et la troisième multinationale derrière Shell et Exxon.

Aux Etats-Unis, le salaire horaire moyen des travailleurs du commerce s’élevait à 10,09 dollars (7,34 euros) en 2010, pour un revenu annuel moyen de 20 990 dollars (15 267 euros). Or, on estime les besoins d’une famille de quatre personnes vivant à Washington à 88 615 dollars par an.

Walmart est un exemple de l’hyper-exploitation qui règne dans la distribution. Les bas salaires sont la règle, la protection sociale est quasi-nulle et la répression antisyndicale brutale. Les femmes sont encore moins bien payées et sont régulièrement victimes de harcèlement sexuel. Les travailleurs sont embauchés au salaire minimum, les augmentations dérisoires. Après six ans de travail, un employé à temps plein peut espérer gagner plus de 10 dollars de l’heure.

La famille la plus riche au monde

De nombreux employés de Walmart ne joignent les deux bouts que grâce aux aides gouvernementales. Mais pendant que les employés de Walmart luttent pour garder la tête hors de l’eau, leurs patrons se goinfrent. La famille Walton – actionnaire principal – est la plus riche au monde (116 milliards de dollars). Mike Duke, PDG de Walmart, a gagné 20,7 millions de dollars en 2012.

Le comportement scandaleux des géants de la distribution – et de Walmart en particulier – écœure la plupart des travailleurs américains. En juillet 2013, le conseil municipal de Washington DC a présenté un projet de loi dit « salaire minimum vital » qui a déchainé les foudres des patrons du secteur. Le projet de loi exige des chaines de distribution réalisant plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel qu’elles payent leurs salariés au moins 12,5 dollars de l’heure. Les réactions n’ont pas tardé : les enseignes Home Depot, Target, AutoZone, Lowe, Walgreens et Macy ont fait appel au maire pour s’opposer au projet de loi. Walmart est allé encore plus loin, menaçant d’annuler l’ouverture de nouveaux magasins. A l’inverse, le projet de loi a reçu le soutien des syndicats et des militants associatifs.

L’humeur des salariés américains change – et pas seulement dans la grande distribution. La preuve ? Le long mouvement de protestation d’OUR Wallmart, qui se poursuit, a donné des idées aux travailleurs de la restauration rapide (MacDo, KFC, Burger King, etc.) qui ont créé le FFF (Fast Food Forward). Parti de New York au mois de juillet, il s’est repandu aux grandes villes de la côte Est, pour exiger notamment un salaire minimum de 15 dollars de l’heure. Quelque chose fermente aux Etats Unis : la résurgence de la lutte des classes au cœur de la première puissance mondiale.

Hubert Prévaud

 

Les voies de la résistance
illustration : Jorge Arellano

Les marchés financiers mondialisés continuent de dominer les économies et les sociétés au détriment des plus pauvres. Ils sont par ailleurs l’instance première de la production autonome de légalité et de politiques publiques. Tous les paramètres économiques, sociaux et politiques dépendent de leur fluctuation : l’emploi et les salaires, mais aussi la capacité de jouir des droits fondamentaux (du droit au logement au droit à la santé).

Vox populi, vox dei. Selon un sondage d’opinion mondial réalisé par la Confédération syndicale internationale, mené dans 13 pays, 87% des personnes interrogées considèrent que leurs salaires ont diminué par rapport au coût de la vie ou sont restés les mêmes. Une personne interrogée sur huit connaît des problèmes financiers et ne peut plus couvrir ses dépenses de base.

Les auteurs du sondage enregistrent une croissance des inégalités et un fossé grandissant entre les dirigeants et les citoyen(ne)s a été enregistré l’année dernière. Seulement 13% des personnes interrogées dans le sondage considèrent que les gouvernements agissent dans leur intérêt.

Par ailleurs, « 28% des personnes se montrent désenchantées, voire découragées, convaincues que les gouvernements n’agissent ni dans l’intérêt des citoyen(ne)s ni dans celui des entreprises ».

« Il existe une profonde méfiance à l’égard des gouvernements et des institutions. Les dirigeants doivent tenir leurs promesses de mettre fin au comportement spéculatif, d’affronter les banques et d’éliminer l’évasion fiscale afin de démontrer aux travailleurs et aux travailleuses qu’ils agissent dans leur intérêt », commente Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.

Pour autant, rien n’est perdu. Les quatre figures dominées de notre société contemporaine ont la capacité de se révolter et de se mouvoir en figures de puissance pour s’affranchir de leur condition d’appauvrissement, de misère et de solitude, projettent Michael Hardt et Antonio Negri (*).

De nos jours, les mouvements sociaux se développent à partir d’une « décision de rupture qui mène à une proposition d’agir commune ». Les deux auteurs recensent quatre niveaux de rupture correspondant aux quatre figures de subjectivités de la société moderne.

Que peut faire « l’endetté », entravé par des chaînes invisibles ? Que peut-il faire pour les reconnaître, les saisir, les briser et devenir enfin libre ? Il est attendu de lui d’inverser la dette en refusant de la payer : « Je ne paierai pas, nous ne paierons pas votre dette. Nous refusons d’être expulsés de chez nous. Nous ne nous soumettrons pas à des mesures d’austérité. Au lieu de cela, nous voulons nous approprier votre – en réalité, notre – richesse. »

Le refus des pauvres et des précarisés de se soumettre au joug individuel et collectif de la dette peut détruire le pouvoir de l’argent et instaurer des liens sociaux en lieu et place des liens financiers. Deux mouvements témoignent de cette volonté : d’abord, les manifestations altermondialistes contre la Banque mondiale et le FMI, notamment ceux d’Argentine en 2001 et précédemment ceux de 1976 au Pérou, 1977 en Egypte et 1989 au Venezuela ; ensuite, les émeutes destinées à rejeter le fardeau des dettes individuelles et individualisantes, comme celles de Los Angeles en 1992, Paris en 2005 et Londres en 2011.

Quid du médiatisé ? Il est attendu de lui de détourner son attention des médias pour découvrir la vérité et de produire de nouvelles vérités grâce à des « singularités en réseau qui communiquent et existent ensemble ». Ici, le passage obligé pour communiquer autrement et de devenir des singularités, de devenir soi-même, de dépasser l’aliénation. Deux vertus sont attachées à l’émergence de ces singularités :

- elles accèdent à une mobilité libre au sein des réseaux ;
- elles transforment les médias en instruments au service de « l’autoproduction collective de soi ».

Une parfaite incarnation de ces vertus est attribuée au projet zapatiste, quelque peu utopique, du gouvernement autonome des Chiapas, avec ses fameux slogans inédits de « gouverner en obéissant » et « archer en questionnant ». L’enjeu est de repenser la matérialité de la démocratie, son infrastructure — car les gens ordinaires ne trouvent souvent pas le moyen de se faire entendre des décideurs à cause du primat de l’écrit, qui renforce le sentiment d’incompétence, les « milieux populaires » ayant surtout une « culture orale ».

Qu’en est-il du « sécurisé » ? Son salut est dans la pratique de l’évasion. Comme il ne peut triompher de la prison ou vaincre les appareils répressifs de l’Etat néolibéral, il lui reste « à s’enfuir, briser ses chaînes et courir ». Une des modalités de la fuite est de devenir invisible : « Le plus souvent, la fuite suppose que l’on évite de sortir à découvert et que l’on se rende invisible. Dans la mesure où la sécurité fonctionne principalement en nous rendant visibles, nous ne pouvons nous libérer qu’en refusant d’être vus (…) Le fugitif, le déserteur et l’invisible sont les véritables héros (ou les antihéros) de la lutte que le sécurisé mène pour être libre. »

La désertion et la désobéissance sont les meilleures armes envisagées contre la servitude volontaire. Comme le pouvoir incarne d’abord une relation (et non une chose), il se nourrit de notre peur et de notre consentement à prendre part à cette relation, avertissent les deux auteurs. A contrario, le pouvoir ne peut survivre lorsque ses sujets s’émancipent de la peur. Se départir de sa peur est alors le prix à payer pour retrouver « une liberté et une sécurité véritables ».

Au final, dans l’être-ensemble, les discussions, les désaccords, les luttes, les manifestants semblent avoir découvert une vérité que Spinoza avait entrevue : « On ne peut atteindre la vraie sécurité et la destruction de la peur qu’en construisant collectivement la liberté. »

Il reste à mettre en mouvement le « représenté ». La finalité attachée à cette action est « la constitution de soi ». L’objectif affiché ici est de construire des formes de participation qui « excèdent les compartimentages corporatistes, et qui donnent une substance et un contenu aux formes génériques et abstraites de l’action politique ». « Les processus constituants ne cessent de réviser les structures politiques et les institutions afin qu’elles soient mieux ajustées au tissu social et aux fondations matérielles des conflits, des besoins et des désirs sociaux », osent espérer Hardt et Négri.

Ammar Belhimer

(*) Michael Hardt et Antonio Négri, « Déclaration, Ceci n’est pas un manifeste », Editions Raisons d’agir, Paris 2013, 135 pages.

»» http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/01/28/article.php++cs_INTERRO++sid=
http://www.lariposte.com/Etats-Unis-la-grande-greve-des.html
Coca-Cola est comme ça

« Merci de partager du bonheur » nous dit la dernière publicité de Coca-Cola. Mais en regardant les choses de plus près, il semble bien que Coca-Cola ne partage que très peu ce bonheur. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les travailleurs des usines que la multinationale veut fermer dans l’Etat espagnol, ou les syndicalistes persécutés – et y compris kidnappés et torturés – en Colombie, en Turquie, au Pakistan, en Russie, au Nicaragua ou les communautés de l’Inde qui sont restées sans sources d’eau après le passage de la compagnie. Sans parler de la pauvre qualité de ses ingrédients et de leur impact sur notre santé.

Selon les chiffres de l’entreprise, chaque seconde on consomme 18.500 canettes ou bouteilles de Coca-Cola dans le monde entier. L’empire Coca-Cola vend ses 500 marques dans plus de 200 pays. Qui aurait pu le prédire quand, en 1886, John S. Pemberton, inventa ce breuvage à succès dans une petite pharmacie d’Atlanta ? Aujourd’hui, la multinationale ne se contente pas de vendre une boisson, c’est bien plus que cela. A coups de chéquiers et de campagnes de marketing multimillionnaires, Coca-Cola nous vend quelque chose d’aussi précieux que le « bonheur », « l’étincelle de la vie » ou « un sourire ». Néanmoins, même son « Institut Coca-Cola du Bonheur » est incapable de masquer toute la douleur provoquée par la compagnie. Son historique d’abus contre les droits sociaux et du travail traverse, comme ses rafraîchissements, toute la planète.

C’est maintenant au tour de l’Etat espagnol. La compagnie vient d’annoncer une Procédure de Régulation d’Emploi (procédure de restructuration et de licenciement collectif, NdT) qui implique la fermeture de quatre de ses onze usines, le licenciement de 1250 travailleurs et le replacement de 500 autres. Une mesure prise, selon la multinationale pour « causes organisationnelles et productives ». Un communiqué du syndicat CCOO dément cette affirmation en soulignant que l’entreprise dégage d’énormes bénéfices, de plus ou moins 900 millions d’euros, et a un chiffre d’affaire de plus de 3 milliards d’euros.

Les mauvaises pratiques de l’entreprise sont aussi globales que sa marque. Selon le « Rapport alternatif sur Coca-Cola » de l’organisation « War on Want », en Colombie, depuis 1990, huit travailleurs de Coca-Cola ont été assassinés par des paramilitaires et 65 autres ont reçus des menaces de mort. Le syndicat colombien Sinaltrainal a dénoncé le fait que la multinationale se trouve derrière ces actes. En 2001, à travers l’ « International Labor Rights Fund » et la « United Steel Workers Union », Sinaltrainal est parvenu à déposer une plainte aux Etats-Unis. En 2003, le tribunal a rejeté cette plainte en alléguant que les assassinats ont eu lieu en dehors des Etats-Unis. Mais la campagne de Sinaltrainal a, de toute manière, permise d’obtenir de nombreux soutiens.

On retrouve des cas d’abus de Coca-Cola dans pratiquement chaque recoin de la planète où l’entreprise est présente. Au Pakistan, en 2001, plusieurs travailleurs de l’usine du Punjab ont été licenciés pour avoir protesté et les tentatives de syndicalisation de ses travailleurs au Lahore, Faisal et Gujranwala ont été frustrés par les obstacles dressés par la multinationale et les autorités. En Turquie, en 2005, ses employés ont dénoncé Coca-Cola pour intimidations et tortures et pour utiliser à ces fins une branche spéciale de la police. Au Nicaragua, la même année, le Syndicat Unique des Travailleurs (SUTEC) a accusé la multinationale de ne pas permettre l’organisation syndicale et d’utiliser la menace de licenciements. On retrouve des cas similaires au Guatemala, en Russie, au Pérou, au Chili, au Mexique, au Brésil et à Panama. L’une des principales tentatives pour coordonner une campagne de dénonciation internationale contre Coca-Cola a été menée en 2002, quand des syndicats de Colombie, du Venezuela, du Zimbabwe et des Philippines ont dénoncé conjointement la répression subie par les syndicalistes chez Coca-Cola et les menaces d’enlèvement et d’assassinat.

Mais la compagnie n’est pas seulement connue pour ses abus contre les droits des travailleurs ; l’impact social et écologique de ses pratiques est également en cause. Comme elle le reconnaît elle-même ; « Coca-Cola est l’entreprise de l’hydratation. Sans eau, il n’y a pas d’affaires ». Et elle pompe jusqu’à la dernière goutte d’eau là où elle s’installe. De fait, pour produire un litre de Coca-Cola, il faut trois litres d’eau. Et pas seulement pour la boisson elle-même, mais aussi pour laver les bouteilles, les machines, etc. Cette eau est ainsi rejetée ensuite comme eau contaminée, avec le préjudice consécutif pour l’environnement. Pour satisfaire sa soif intarissable – une usine de Coca-Cola peut consommer jusqu’à un million de litres d’eau par jour -, l’entreprise prend le contrôle unilatéral des sources aquifères qui ravitaillent les communautés locales, en les laissant dépourvues d’un bien aussi essentiel que l’eau.

Dans plusieurs Etats de l’Inde (Rajasthan, Uttar Pradesh, Kerala, Maharastra) ces communautés sont sur le pied de guerre contre la multinationale. Plusieurs documents officiels soulignent la diminution drastique des ressources hydriques là où elle s’est installée, épuisant ainsi l’eau nécessaire à la consommation, à l’hygiène personnelle et à l’agriculture qui fait vivre de nombreuses familles. Au Kerala, en 2004, l’usine de Plachimada de Coca-Cola a été obligée de fermer ses portes après que la municipalité ait refusé le renouvellement de sa licence d’exploitation en accusant la compagnie d’épuiser et de contaminer l’eau. Plusieurs mois auparavant, le Tribunal Suprême de Kerala avait jugé que l’extraction massive d’eau de la part de Coca-Cola était illégale. Sa fermeture a été une grande victoire pour la communauté locale.

Des cas similaires se sont produits au Salvador et au Chiapas, parmi d’autres. Au Salvador, l’installation d’usines d’embouteillage de Coca-Cola a épuisé les ressources hydriques après des décennies d’extraction et elles ont contaminé les sources aquifères en rejetant dans la nature de l’eau non traitée. La multinationale s’est toujours refusé à assumer les coûts de l’impact de ses pratiques. Au Mexique, la compagnie a privatisé de nombreuses sources aquifères, laissant les communautés locales sans accès à celles-ci et cela grâce au soutien inconditionnel du gouvernement de Vicente Fox (2000-2006), ancien président de Coca-Cola Mexique.

L’impact de sa formule secrète sur notre santé est également amplement documenté. Ses hautes doses de sucre sont préjudiciables et nous transforment en « accros » à ce breuvage. Comme l’a démontré la journaliste Marie Monique Robin dans son documentaire « Notre poison quotidien », la consommation à haute doses de l’aspartame, un édulcorant non calorique remplaçant le sucre présent dans le Coca Zéro, peut provoquer des cancers. En 2004, en Grande-Bretagne, Coca-Cola s’est vu obligé de retirer après son lancement l’eau embouteillé Dasani après qu’on y ait découvert des niveau illégaux de bromure, une substance qui augmente le risque de cancer. L’entreprise a du retirer un demi million de bouteilles d’une eau qu’elle avait annoncé être « l’une des plus pures du marché », et cela en dépit d’un article de la revue « The Grocer » qui soulignait que sa source n’était autre que l’eau du robinet de Londres…

Les tentacules de Coca-Cola sont si étendues qu’en 2012, l’une de ses directrices, Ángela López de Sá, a été nommée à la tête de l’Agence espagnole de Sécurité Alimentaire. Quelle sera alors la position de l’Agence face à l’utilisation systématique de l’aspartame par Coca-Cola, quand sa nouvelle directrice était encore payée par Coca-Cola il y a peu de temps encore ? Un authentique conflit d’intérêts, comme celui signalé ci-dessus avec le cas de Vicente Fox.

La marque nous dit vendre du bonheur, mais elle apporte plutôt des cauchemars. Coca-Cola est comme ça dit la publicité. Ainsi l’avons-nous montrée.

Esther Vivas

*Article publié dans Publico.es, 24/01/2014.

**Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera.

+info : http://esthervivas.com/francais/

»» http://esthervivas.com/francais/coca-cola-est-c
Ils ne savaient pas dans quel guêpier ils se fourraient : Le coût de la guerre, à l’américaine (mondediplo.com)

La dernière fois que j’ai vu des soldats étasuniens en Afghanistan, ils étaient silencieux. Ils se trouvaient dans un état de sidération, provoqué autant par les fusillades, les explosions, qui leur avaient infligé de terribles blessures, que par les médicaments que les médecins leur avaient administrés sur le champ de bataille ; on les descendait d’un hélicoptère sanitaire pour les faire admettre dans un hôpital militaire, où ils seraient branchés à des machines qui mesureraient la quantité de vie à sauver qu’il restait en eux. Ils étaient en sang. Ils étaient des morceaux manquants d’eux-mêmes. Ils se taisaient.

Ce silence est le souvenir que je conserve, de la période que j’ai passée dans des services de traumatologie, parmi les blessés, les mourants, les morts. On aurait presque dit qu’ils s’étaient enfui de leur propre corps, et avaient abandonné cette chair ensanglantée sur les lits à roulettes, à des chirurgiens qui étaient prêts à tenter le coup du salut. Par la suite, quelquefois bien plus tard, ils reviendraient peut-être habiter ce que les médecins étaient parvenus à sauver. Ils relèveraient peut-être ces corps, ou ce qu’il en restait, pour les faire marcher à nouveau, ou bien courir, ou encore skier. Peut-être s’habilleraient-ils, trouveraient-ils un emploi, concevraient-ils un enfant. Mais je garde le souvenir des premiers jours, ceux de leur évacuation en urgence, et de leur admission dans un hôpital pour lequel l’expression « silence de mort » semblait avoir été inventée.

Ils se ressemblaient si peu. Plus précisément, ils ressemblaient si peu aux soldats que j’avais vus lors de mon premier passage dans ce pays. À l’époque, ils étaient chauffés à blanc par les événements du 11 septembre 2001, et se déplaçaient avec l’assurance agressive de machos que leur entraînement, ainsi que leur propre façon de se mettre en scène, faisaient planer.

Je me souviens des tout premiers soldats que je vis en Afghanistan. Ce devait être en 2002. À cette époque, un très petit nombre de troupes étaient présentes sur le terrain, en ce pays – la plupart étaient maintenues sur le pied de guerre, mais avec l’Irak en tête, où elles iraient réaliser les rêves de gloire de George W. Bush et Cie – et elles ne tenaient pas garnison à Kaboul, la capitale afghane, mais à la campagne, où leur mission officielle consistait à rechercher Oussama ben Laden.

Je me trouvais dans le nord, dans le stade historique Dasht-e-Shadian, près de la ville de Mazâr-e-Sharif, où j’assistais à un après-midi de bouzkachi, le sport traditionnel afghan dont les rencontres opposent des hommes à cheval, paysans pour la plupart, qui se disputent la possession d’un veau mort. Le stade était célèbre, non seulement parce que les rencontres de bouzkachi les plus disputées du pays s’y déroulaient, mais aussi à cause de ce jour, à l’époque de l’occupation soviétique de l’Afghanistan, où des habitants de la région invitèrent 50 soldats soviétiques à profiter du spectacle à Dasht-i-Shadian, où ils les massacrèrent.

J’étais assise dans les gradins, en compagnie d’amis afghans, lorsqu’une escouade d’étasuniens, en tenue de combat, fit irruption dans la loge des dignitaires, et interrompit la partie. Certains d’entre eux insistèrent pour monter les chevaux. Le seigneur de guerre de la région, qui présidait les jeux, fit signe aux cavaliers afghans d’aider les américains à se mettre en selle. Par la même occasion, ils soufflèrent sans doute à leurs chevaux de s’emballer, pour s’enfuir au galop, en les jetant à terre.

D’une démarche un peu raide, ils refirent à pied le chemin qui les séparait de la tribune d’honneur, ramassèrent leurs fusils, et en firent des tonnes pour tourner l’incident en sujet de rigolade – pour proclamer, haut et fort, qu’ils étaient des « chics types ». Mais les hommes afghans aux visages impassibles, qui composaient l’assistance fournie, avaient pris leur mesure. Un ami me dit une chose que je n’ai jamais oubliée, au cours des années suivantes, alors que j’assistais aux « progrès » de la guerre : « Ils ne savent pas dans quel guêpier ils se sont fourrés ».

Le jour suivant, j’aperçus une autre escouade de soldats étasuniens dans le bazar du centre ville. Au milieu des boutiques, à une heure de grande affluence, ils s’étaient déployés en éventail, en tenue de combat, devant la boutique d’un marchand de tapis renommé, et avaient adopté la position de tir, un genou au sol. Ils pointèrent leurs fusils d’assaut en direction de femmes qui faisaient leurs courses ; vêtues de la burqa blanche de Mazâr, elles étaient clouées sur place, comme autant de fantômes terrorisés. Les Étasuniens assuraient la protection de leur lieutenant, qui se trouvait à l’intérieur de la boutique, à la recherche d’un souvenir à ramener de son séjour en terre étrangère.

Je ne saurais dire exactement à quel moment les militaires étasuniens firent entrer dans Kaboul cette attitude bravache. Mais dès 2004, les Étasuniens se trouvaient là, en armes, derrière les murs de bases urbaines fortifiées ; à l’abri de barrières de béton et de sacs de sable géants, leurs postes de contrôle y arrêtaient la circulation, et interdisaient l’accès aux voies publiques. Leurs convois patrouillaient les rues de la ville à toute allure ; dans les tourelles des véhicules blindés, des mitrailleurs se tenaient sur le qui-vive. Des femmes, à demi-aveuglées sous leurs burqas, amenaient leurs enfants pour les guider, dans le dédale de rues devenues tout à coup dangereuses.

Entrent les guerriers

J’étais venue en Afghanistan pour travailler avec ces femmes et ces enfants. En 2002, j’avais commencé à passer les hivers là-bas ; je parcourais le pays, mais j’étais installée à Kaboul. Des écoles, que les talibans avaient fermées depuis longtemps, ouvraient à nouveau, et je m’étais portée volontaire pour aider les enseignants d’anglais à raviver leurs souvenirs de la langue qu’ils avaient étudiée, puis enseignée, dans ces écoles, avant que le souffle des guerres n’emporte tant de choses. Je travaillais également, en collaboration avec des femmes afghanes et des personnes d’autres nationalités — en petit nombre, à l’époque —, pour faire démarrer des organisations, des services, destinés aux femmes et aux filles que la guerre avait brutalisées, et que l’obligation prolongée de rester chez elles avait hébétées. Elles émergeaient en silence, pareilles à des somnambules, pour constater que la vie, telle qu’elle l’avait connue autrefois, s’en était allée depuis longtemps. La plus grande partie de Kaboul s’était également évaporée, il n’en restait qu’un paysage de gravats, après des années de guerre civile, puis d’abandon par les talibans, enfin de bombardements américains.

Après que les talibans eurent fui ces bombes, les premiers soldats qui patrouillèrent les rues en ruines de Kaboul, furent des membres de l’ISAF, la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité, que les Nations Unies avaient mise en place, afin de protéger la capitale. Turcs, espagnols, britanniques, et autres, flânaient dans le centre ville, coiffés de bérets ou de casquettes – pas de casques, ni d’armures –, et pénétraient dans les boutiques, comme l’auraient fait des touristes ordinaires. Ils garaient leurs véhicules militaires, et permettaient aux enfants de les escalader, autant qu’ils le voulaient. Les Afghans semblaient prendre la présence des soldats de l’ISAF du bon côté, comme si elle leur semblait plutôt amicale, rassurante, quoique discrète.

Puis, les Étasuniens agressifs les supplantèrent. Dans mes classes d’anglais, les enseignants commencèrent à me demander de les aider à rédiger des lettres destinées à l’armée étasunienne, dans lesquelles ils réclamaient un dédommagement pour des amis, des voisins, dont les enfants s’étaient fait renverser par des soldats en excès de vitesse. Une enseignante me demanda, « Pourquoi les Américains se comportent-ils de cette manière ? » ; je n’avais, à l’époque, aucune réponse à lui fournir.

Dans le cadre de mon travail, alors que j’essayais d’obtenir, non pas que justice soit faite, mais que les afghans soient indemnisés, je me retrouvais confrontée de plus en plus souvent à ces soldats. En tant que grand reporter, il était également de mon devoir d’assister de temps à autre aux points presse, concoctés par les théoriciens militarisés de Washington, qui spéculaient sur un monde à venir de marchés libres, dominé par une Amérique propageant la démocratie, et assurant une sécurité sans failles dans ce qu’ils rebaptisaient bizarrement la « patrie ».

Le Pentagone préparait des présentations Power Point, surchargées de graphiques, de flèches, qui indiquaient comment, en fin de compte tout avait un rapport avec tout le reste, en un blablabla circulaire coupé du monde réel. Des subordonnés, en poste à Kaboul, prononçaient ces discours devant des journalistes américains qui prenaient des notes, consciencieusement, pour en faire ces histoires, qui allaient bientôt nous devenir familières, de stratégies et tactiques nouvelles, dont chacune garantissait la réussite de la Guerre Afghane de Washington, malgré le ballet incessant des commandants en chef, dont l’un chassait l’autre, année après année.

Pour les fonctionnaires étasuniens qui s’en étaient retournés à Washington, la guerre était de toute évidence une construction théorique, et la victoire dépendait de la manière d’imaginer ces stratégies gagnantes, ou d’en choisir une parmi celles utilisées lors de guerres précédentes – disons, l’Irak, ou le Vietnam –, avant d’envoyer ces gosses effrontés, ceux que je verrais dans ce stade des environs de Mâzar-el-Sharif, les mettre en œuvre. En résumé, la guerre n’était qu’un plan de développement, codé sous la forme d’une série de graphiques vidéo-projetés. Pour les Afghans, dont la terre servait de terrain de jeux aux guerres modernes, dévastatrices, de Washington, depuis plus de 20 ans, elle ressemblait à tout, sauf à cela.

Franchement, je n’aimais pas les soldats étasuniens qu’il m’arrivait de rencontrer, à cette époque. Contrairement aux troupes de l’ISAF, qui avaient l’apparence de vrais gens, vêtus d’uniformes, les Étasuniens se comportaient comme des Soldats (S majuscule) Power Point, ou, ainsi qu’ils préféraient qu’on les appelle, des Guerriers (G majuscule). Ils ne se comportaient que rarement comme de vrais gens. En premier lieu, on semblait les avoir entraînés à violer l’espace personnel de tout civil ayant l’infortune de les croiser. Avec un bruit sec, ils se mettaient au garde-à-vous à quelques centimètres de votre visage, avant de cracher des phrases qui vous éclaboussaient la chair, récitant une leçon que ne leur avaient pas enseignée leurs mamans.

Avec le temps, cela dit, leur agressivité préenregistrée, mais effrayante, finit par susciter ma sympathie, ma curiosité, mon désir d’en savoir plus sur eux, ce qu’ils avaient été comme ce qu’ils étaient devenus, au-delà des apparences. C’est ainsi qu’à l’été 2010, j’empruntai le gilet d’armes d’un ami, et demandai l’autorisation d’embarquer avec des soldats étatsuniens. À l’époque, le général Stanley McChrystal massait des troupes (et des journalistes) dans le bastion taliban de la province de Helmand, dans le sud-ouest de l’Afghanistan, en prévision d’une épreuve de force affichée comme « décisive » avec les insurgés. Quant à moi, on me donna l’autorisation de me rendre sur une base opérationnelle avancée, qui se trouvait dans le nord-est de l’Afghanistan, à la frontière avec le Pakistan, un endroit où, selon la rumeur, il ne se passait rien. En fait, les soldats américains y « tombaient au champ d’honneur », à une cadence qui prenait leurs officiers par surprise, et les inquiétait.

J’arrivai à un moment où ces officiers s’étaient réfugiés derrière des portes closes, et ne laissaient plus filtrer aucune information – plus d’exposés Power Point pour présenter à la presse (moi), le visage impassible, les estimations des « progrès ».

Pour TomDispatch, j’écrivis un article sur cette base, en y incluant une information qui me valut une avalanche de courriers électroniques scandalisés, de la part des femmes, ou des petites amies, des Guerriers. Ce n’était pas ma description des morts de soldats qui les dérangeait, mais ma remarque concernant la blessure invalidante la plus fréquente sur cette base, à savoir une entorse – conséquence d’un jogging effectué sur le terrain rocailleux d’un désert d’altitude. Comment osais-je proférer pareille horreur, me demandaient ces femmes. Elle rabaissait les grands Guerriers de notre nation. Elle constituait une insulte, à l’égard de tous les Étasuniens patriotes.

Ces courriers m’enseignèrent une chose. Une fois déployés, les soldats des États-Unis n’ont plus le droit d’être de « vrais gens », même aux yeux de celles et ceux qui leur sont le plus chers. Pour leurs petites amies, leurs femmes, qui restent à la maison, seules, et ont des factures à payer, des enfants à élever, ils ne peuvent être que des Guerriers mythiques, dont l’histoire reconnaîtra l’importance, qui vont jusqu’à sacrifier leur propre vie pour sauver la nation. Sinon, à quoi bon ?

Où sont donc passés les soldats ?

Le vrai sens de leur sacrifice est peut-être celui-ci : il signifie que rien n’avait de sens, ni cette guerre choisie, revancharde, ni celle en Irak. Il n’y eut que des gamins en uniformes, dont la plupart, à ce moment, savaient qu’ils n’avaient pas su dans quel guêpier ils se fourraient, et se battaient désormais pour leur survie, ainsi que celle de leurs illusions. Ils arpentaient les rues de la base, deux par deux, compagnons d’armes qui se dirigeaient vers le DFAC (le mess), la blanchisserie, les latrines, le gymnase. Ils passaient leur temps sur internet, ou pendus aux téléphones dédiés à l’international, à la fois entrés en guerre, et sortis de la guerre, jusqu’à l’arrivée des ordres, quelle que fut leur provenance : Washington, Kaboul, Bagram, ou encore la pièce aux rangées de cartes, derrière la porte close du bureau du commandant de la base. Alors, et ceci se produisit quotidiennement, au cours de mon séjour sur la base, des patrouilles devaient effectuer des sorties, à pied ou en voiture, dans les montagnes alentours, sur lesquelles flottaient les drapeaux talibans. Très souvent, à leur retour, il leur manquait des hommes.

Qu’était-il arrivé à ces garçons, qui étaient présents au DFAC, au petit déjeuner ? Morts, ou déchiquetés, victimes d’un tireur embusqué, ou de l’explosion d’une mine antipersonnel, des hélicoptères les avaient évacués vers un hôpital, puis, … quoi ?

Ils se logèrent dans ma mémoire. Un peu moins d’un an après, je n’avais pas réussi à les oublier, et comme, officiellement, je n’étais plus une journaliste fouineuse, mais une chercheuse travaillant pour une université renommée, je sollicitai à nouveau l’autorisation d’être embarquée au sein de l’armée. Cette fois-ci, je demandai à suivre les blessés, qui partaient de ce désert d’altitude baptisé « zone de combat », en direction du service de traumatologie de la Base Aérienne de Bagram, où ils embarquaient à bord d’un C17, en compagnie des équipes médicales qui les prenaient en charge jusqu’au Centre Médical Régional de Landstuhl, en Allemagne – le plus grand hôpital étasunien, hors du pays – avant de les ramener, à bord d’un autre C17, à « Walter Reed », le Centre Médical de l’Armée, à Washington ou, dans certains cas, chez eux.

Au fil des ans, le nombre de gamins qui effectuèrent ce voyage retour vers les États-Unis par pont aérien sanitaire, ne cessa d’augmenter. Costsofwar.com a évalué à 106 000 le nombre d’Étasuniens blessés en Irak et en Afghanistan, ou évacués de ces zones de guerre, pour cause d’accident, ou de maladie. Comme tant de soi-disant « blessures invisibles » ne sont en fait diagnostiquées, qu’après le retour des soldats chez eux, le nombre exact de blessés est certainement bien plus élevé. En témoigne le fait que, depuis Juin 2012, le Ministère des Anciens Combattants a établi un diagnostic de névrose de stress post-traumatique pour 247 000 d’entre eux, ou encore celui que, depuis le 31 Mai 2012, plus de 74 500 anciens combattants de ces guerres aient rempli un dossier de pension d’invalidité, auprès du même Ministère. D’ores et déjà, les contribuables ont dépensé 135 milliards de dollars, sous forme de soins médicaux ou de pensions d’invalidité pour les anciens combattants d’Afghanistan et d’Irak, pensions dont le montant cumulé à long terme, devrait culminer à 754 milliards de dollars, aux environs de 2050.

Et puis il y avait ceux qui étaient « tombés au champ d’honneur », les morts, que des avions-cargos règlementaires rapatriaient à la Base Aérienne de Douvres, dans des « caisses de transfert » métalliques. On les transférait ensuite à la morgue officielle de l’armée, au cours de cérémonies qui furent interdites aux médias, et donc au public, jusqu’en 2009 – ramenés d’Irak, ou d’Afghanistan, on en dénombrait au moins 6 656, en Février de cette année. Au cours de ces deux guerres, ce sont au moins 300 employés du privé, sous contrat avec l’armée, qui ont également trouvé la mort. Ajoutez à cette liste le nombre de suicides survenus après le déploiement, ainsi que celui des soldats ou anciens combattants dépendants aux dérivés de l’opium, dont les Géants de l’Industrie Pharmaceutique ont encouragé la consommation, et que les médecins militaires ont préconisés, soit pour les maintenir en état d’accomplir des missions, soit pour les guérir de leurs « expériences » de guerre, après qu’ils se furent effondrés, psychologiquement.

Cela fait dix ans que les premiers anciens combattants des guerres d’Irak et d’Afghanistan sont rentrés aux États-Unis, c’était en 2003, et pourtant je n’ai encore jamais parlé à un soldat invalide, ou à des membres de la famille d’un soldat, qui aient jugé appropriée, suffisante, la prise en charge dont il ou elle bénéficia, de la part du Ministère des Anciens Combattants. De l’aveu même de ce Ministère, il s’écoule un temps si long avant de parvenir à une décision en matière d’allocations pour anciens combattants, ou simplement pour obtenir un rendez-vous, que certains d’entre eux meurent au cours de cette attente.

C’est ainsi que, depuis leur retour, un nombre incalculable de soldats ont été pris en charge par leurs parents. J’ai rendu visite à une maison des Grandes Plaines dans laquelle, depuis bientôt dix ans, un ancien combattant reste étendu sur son lit d’enfance, où sa mère lui prodigue les soins dont il a besoin ; puis à une autre maison, en Nouvelle-Angleterre, dans laquelle un ancien combattant passa une dernière soirée sur les genoux de son père, avant de se donner la mort.

En suivant la piste des anciens combattants esquintés, afin de pouvoir écrire mon nouveau livre, Ils étaient Soldats : L’histoire secrète des conditions du retour des blessés des guerres de l’Amérique, j’ai fini par comprendre le degré de souffrance qu’eux et leurs familles endurèrent, tout comme les Afghans, à cause des délires – qui enfreignent à la législation internationale, pour nombre d’entre eux – des dirigeants de cette nation, mais aussi d’autres Étasuniens influents, militaires ou non, qui détiennent un pouvoir plus grand que celui des soldats, et qui ont moins de comptes à rendre que les soldats.

À l’image des soldats, ce pays change. Les « amenez-les moi » fanfarons du décideur à l’origine du processus préventif qui finit par engloutir des enfants des pauvres, des patriotes, sont aujourd’hui mis en sourdine. À l’heure qu’il est, en Afghanistan comme en Irak, Washington fait des pieds et des mains pour que le retrait ressemble le moins possible à une défaite voire, pire, à un gâchis inutile. La plupart des Étasuniens ne posent plus de questions sur les objectifs que les guerres devaient atteindre.

Sous le coup de la colère, un officier de l’Armée de Terre, dont la fin de carrière approchait, me donna cette instruction : « Suivez l’argent ». J’avais passé mon temps en compagnie de pauvres gosses, en quête d’un avenir honorable, qui font le sale boulot de l’armée des États-Unis. Ils font partie des 1% les plus démunis de la nation. Mais, comme me le dit cet officier de carrière furieux, « Ils ne font qu’appliquer les ordres ». La guerre est au service des autres 1%, ceux qui sont au sommet, elle est ce grand moteur qui donne l’impulsion au transfert des richesses du Trésor Public vers le haut, où leurs poches ouvertes les attendent. La traque de cet argent révèle la véritable raison derrière le choix des conflits. Selon les propres termes de cet officier désenchanté, les guerres ont rendu ces profiteurs « putain de monumentalement riches ». Les perdants sont les soldats, et leurs familles.

Ann Jones

http://mondediplo.com/openpage/they-didn-t-know-what-they-were-getting-into

Le nouveau livre d’Ann Jones sort aujourd’hui : They Were Soldiers : How the Wounded Return from America’s Wars — the Untold Story, un projet coopératif de Dispatch Books et Haymarket Books. Jones, qui est grand reporter en Afghanistan depuis 2002, a écrit deux autres livres qui traitent de l’impact de la guerre sur les civils : Kabul in Winter et War Is Not Over When It’s Over.

traduction Hervé Le Gall

»» http://echoes.over-blog.com/2014/02/ils-ne-savaient-pas-dans-quel-guê...

 

La guerre préventive a été inventée par Hitler. Franchement, je ne pourrais jamais prendre au sérieux quelqu’un qui viendrait m’en parler.

Dwight D. Eisenhower

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