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20 février 2015

Sortir du SYSTEME BAO médiatique

 

Chronique du 19 courant … Les antiSystème parlent aux antiSystème

19 février 2015 ... Il faut dire que le personnage est fascinant par tout ce qu’il exprime de notre temps, de notre folie, de notre aventure catastrophique, – bref, tout ce qu’il exprime du Système. Je veux parler de ce monsieur Edward Lucas parlant devant la Wehrkunde de Munich, où tous les amis, copains et coquins de l’habitude, se réunissent chaque année pour s’auto-congratuler et menacer the Rest Of the World de la conquête civilisatrice de la “nation exceptionnelle”, de la doctrine TINA, de l’hyperlibéralisme, des “valeurs”-Système du bloc BAO et ainsi de suite. Monsieur Lucas est senior editor de The Economist et il faut bien dire qu’à part le Financial Times (le FT avec ses pages saumon), on ne fait pas mieux comme emblème du Système, dans la lettre et dans l’esprit, que The Economist. Il y a dans The Economist, dans son ton doctoral et son arrogance extraordinaire de s’affirmer “objectif”, une parfaite illustration de ce qu’est notre temps, installé sur le champ de ruines de notre contre-civilisation comme s’il s’agissait du Parthénon du temps de Périclès. Par conséquent, on attendait, dans le chef du senior editor de la chose, quelqu’un de discrètement flamboyant, certes pas unplay-boy mais tout de même une image avec quelque chose d’irrésistible ... Eh bien, pas du tout.

Ce qui a remarquablement retenu mon attention lorsque j’ai vu des photos puis l’une ou l’autre vidéo de monsieur Lucas à Munich, c’est son côté terne, grisâtre, presque poussiéreux et un peu rance sur les bords. La comparaison implicite venue sous la plume de Dimitri Babich, de RT (le 11 février 2015), avec un fonctionnaire de l’ère brejnévienne était irrésistible par sa vérité. Monsieur Lucas, patron de The Economist, comme réplique, comme clone d’un fonctionnaire de l’ère brejnévienne, voilà qui ne peut que réjouir notre sens vertueux des analogies historiques. Les Russes, qui sortent d’en prendre, ont tout de suite compris cela ; et certes, ils l’ont d’autant mieux compris que monsieur Lucas nous a régalé d’une extraordinaire diatribe qui constituait un appel à la délation et au lynch que Babich compare aux méthodes du KGB et que je mettrais aussi bien en parallèle avec les méthodes du McCarthysme. L’objet de la vindicte de monsieur Lucas, c’était RT, ou Russia Today (et Sputnik dans la foulée). Il a résumé sa positon en disant : “Si je reçois un CV avec dessus l’indication d’une collaboration avec RT, je fous le CV à la poubelle” (et il aurait pu ajouter, mais cela va de soi : “...Et je téléphone au MI5/FBI pour communiquer nom et adresse”) ; et il a réclamé, monsieur Thomas, “a bit more ostracism” à l’encontre des journalistes de RT (et du reste, des organisations de communication russes).

La deuxième chose qu’a dite monsieur Thomas, c’est le constat dépité du succès de RT (décidément, prenons RT comme symbole du mouvement que je veux décrire ici), en l’expliquant presque candidement par l’évidence : “Pourquoi les gens regardent-ils RT avec tant d’avidité ? Parce qu’ils pensent que les médias mainstream ne leur disent pas la vérité et parce qu’ils en ont assez des élites politiques dans nos pays”. Bien, tout est dit, et cela me permet d’en venir au cœur de mon sujet qui est ce symbole de l’installation d’un site de RT en français (en même temps que d’un autre, en allemand), au début de ce mois. (Cela suivait l’installation de Sputnik également à la fin janvier [voir le 29 janvier 2015].) On a déjà dit, sur ce site de dedefensa.org (voir le 24 décembre 2014), certaines choses qui paraissent nécessaires sur ce “bouleversement ontologique” que constitue l’installation du système de la communication des réseaux russes comme outils essentiels pour notre information et notre indépendance de jugement, à nous antiSystème, et portant essentiellement sur les matières de la situation internationale dans le domaine des grandes crises.

Pour moi qui ai vécu la Guerre froide, dont une bonne part dans le journalisme (à partir de 1967), le bouleversement est effectivement ontologique. Il a également un formidable effet de masse, un succès absolument colossal, avec notamment les chiffres de RT qui en font actuellement sans nul doute le premier réseau mondial d’information multimédia, notamment en termes d’audience internationale  ; c’est un phénomène, pour la Russie qui est tout de même l’ex-URSS et quand on a connu les méthode d’“information” de la chose, qui est absolument, complètement sensationnel, dans un univers ouvert à toutes les formes de médias, à toutes les concurrences, à toutes les pressions, idéologiques, économiques, financières, etc. Mais, en ayant à l’esprit toutes ces observations qui nous disent qu’une révolution de la communication du point de vue de la diffusion dans le cadre de la lutte Système versus antiSystème est en train de se faire, le fait sur lequel je veux essentiellement insister dans cette chronique c’est celui de cet aspect d’une orientation francophone, vers la France, en français, avec l’ouverture de versions françaises de ces deux grands réseaux que sont Sputnik et RT.

Il faut noter que les précédents réseaux (Novosti, Tass, etc.) avaient des versions françaises, mais tous souffraient de la réputation, – plus ou moins justifiée, – d’être des adaptations plus ou moins approximatives des anciens réseaux d’information soviétiques. Avec Sputnik et RT dans leurs versions présentes, il y a une rupture formelle et technique formidable, qui les met au niveau des grands réseaux occidentaux dans ces domaines des moyens, de la forme et du rythme. C’est un point absolument fondamental, parce qu’avec cet apparat technique, cette dynamique graphique et rédactionnelle, ces nouveaux réseaux russes entrent aisément dans notre univers de la communication. L’impact psychologique est d’une très grande force, il bouleverse les comportements, les attitudes, les façons de lire et d’entendre ce que nous disent ces réseaux, en un sens. Or, ce qui m’importe particulièrement de mettre en évidence ici, c’est l’importance de tous ces faits dans cette situation de révolution de la communication ; car la confluence de ces observations conduit aussi bien à l’hypothèse que si “une révolution de la communication” est en train de se faire avec le développement sensationnel des réseaux russes, cette révolution peut prendre en France, si ces réseaux développent cette adaptation en français d’une façon sérieuse (1), une forme de révolution spécifique à la France elle-même, et conduisant à un renouveau français.

Je suis sensible à cette hypothèse puisqu’on sait bien, par cette chronique justement (voir le 19 janvier 2013 et le 19 novembre 2014), combien je suis Français et combien le sort actuel de la France m’est particulièrement pénible ; qu’on sait bien également, par des récents textes du site dont j’épouse évidemment complètement le sens (voir le 18 janvier 2015et le 13 février 2015), combien il semblerait qu’un courant nouveau se fait sentir, qui pourrait être utilement exploité par la Providence dont on sait la vigilance, pour donner à la France une nouvelle orientation ou retrouver simplement une orientation ancienne. On voit et lit dans ces diverses citations et références combien la question russe peut contribuer à cette évolution française, tant la substance même de cette évolution porte sur la revigoration des principes essentiels (souveraineté, identité) auxquels les Russes sont eux-mêmes attachés pour leur compte. Je crois qu’à cet égard, la communication, et l’information qu’elle véhicule, peuvent suivre cette même logique, et faire espérer des effets semblables.

Aussitôt se pose, à ce niveau de la réflexion et pour les esprits vigilants, la question du contenu par rapport à la vision russe, ou plutôt par rapport aux intérêts russes. Ceux qui suivent le raisonnement dont l’enjeu essentiel est bien la sortie, c’est-à-dire la “libération” de l’information-Système (essentiellement manipulée et diffusée par l’anglosphère ou les réseaux anglo-saxons), peuvent aussitôt avancer l’argument contestataire qui semble aller de soi : “Et si c’est pour retomber sous l’emprise d’un autre courant partisan, qui est le courant russe ?” Je ne m’y attache pas, toutes réflexions faites, pour une raison essentielle. Ce qui fait la nouveauté et l’originalité des capacités nouvelles des Russes au niveau de la communication, c’est leur réalisation (des Russes), consciente ou inconsciente qu’importe, que, pour l’emporter, il ne faut pas tant faire la promotion des intérêts russes que se battre contre l’américanisation de la communication (ou l’américanisation-Système pour introduire le maître d’œuvre de l’entreprise). D’un certain point de vue, la communication russe agit moins pour construire quelque chose qui lui soit propre que pour détruire quelque chose qui a été jugée par elle comme un ennemi mortel de la Russie en tant que structure souveraine et identitaire. Il s’agit par exemple, mais exemple massif et décisif sans nul doute, d’opposer ce qu’on nomme dans ces colonnes des “vérités de situation” à la narrative-Système, spécifiquement pour détruire la narrative-Système. Il s’agit de détruire, détruire et encore détruire, cette prison de la communication dans laquelle le Système nous contraint avec une puissance stupéfiante.

Dit autrement, dit plus hautement me semble-t-il, il s’agit d’opposer le principe fondamental qui est nécessairement indépendant de tout engagement politique, donc indépendant à ce point des intérêts propres à la Russie, aux “valeurs” selon la dialectique du bloc BAO qui s’accordent nécessairement à une forme politique, donc à un engagement politique. On remarque combien les Russes parlent peu de la forme et des valeurs de leur régime, et cela leur est tant reproché par ceux qui ne peuvent concevoir un discours politique sans le structurer selon les “valeurs” qui soutiennent et, à leurs yeux, légitiment leurs régimes. Il suffit de prendre les Russes au mot et raisonner de leur façon, selon les principes au-delà des engagements politiques et non plus selon les “valeurs” liées aux engagements politiques, et par ce fait retrouver, dans le chef de la France, la référence gaulliste dont la conception politique également sous forme de référence est justement le principe au-delà de toute forme de régime (le régime n’étant que l’expression possible selon les circonstances des nécessités des principes).

... Il n’y a rien à craindre, pour ceux qui craignent l’influence russe, pour ceux qui croient encore à l’importance des influence nationales par rapport à la puissance énorme de l’affrontement entre le Système et l’antiSystème. Il s’est produit le même phénomène, avec une intensité moindre dans l’enjeu bien entendu, dans les années 1960 et 1980, qui fut un peu le banc d’essai de la façon dont on peut lutter, et aider ceux qui en sont le plus les prisonniers à lutter, contre une forme qui a les allures qu’on prête désormais à ce qu’on nomme ici “le Système”. Les années 1960-1980, c’était l’époque où l’URSS avait amorcé la pente descendante de sa décomposition et se trouvait en position de semi-ouverture vis-à-vis des pénétration extérieure à cause du relâchement de ses énergies de censure, de répression, ou de propagande pour ce qui concerne ce qui était l’équivalent beaucoup plus frustre de la communication d’aujourd’hui. Il y a donc eu une ouverture à la pénétration des moyens de communication occidentaux, qui, de plus, pour radicaliser la démonstration, étaient bien plus orientés vers la promotion du système occidental que les réseaux russes le sont aujourd’hui pour leur propre système (toujours cette différence principes-“valeurs”). Quel fut le résultat en profondeur de cette action ? Nullement l’américanisation-Système de l’URSS redevenue Russie mais plutôt la réactivation de la tendance psychologique et spirituelle à l’indépendance de pensée des Russes, ou à la pensée russe spécifique des Russes, c’est-à-dire de ce qui avait été affreusement érodé par le système soviétique.

Pour le cas de la France, qui est en situation d’oppression psychologique et d’occupation intellectuelle du fait de l’américanisation-Système, ce processus doit être encore plus envisagé dans le sens de la libération parce que la Russie est évidemment beaucoup moins prédatrice et déstructurante que les USA pour les autres cultures, elle évite même complètement cette forme d’action ne serait-ce que pour préserver les principes généraux (souveraineté, identité) dont elle-même dépend pour sa stabilité et sa pérennité. C’est-à-dire que la nouvelle méthodologie de communication de la Russie, ouverte, puissante, rapide et efficace selon les méthode modernes dont même les traditionnalistes doivent se saisir pour renforcer leur cause, ne peut en aucun cas se comparer à de la propagande. Elle ne fera pas des Français des captifs d’hypothétiques intérêts russes, elle conduira au contraire à la libération des esprits français de l’américanisation dont ils souffrent en fait depuis des décennies. (Paradoxalement, me semble-t-il, depuis les années 1960, qui furent les années les plus intenses du développement de la doctrine gaulliste, malheureusement secrètement et radicalement contestée par une américanisation-Système accélérée de type-sociétal dont les événements de mai-68 furent, pour une bonne partie, un exemple achevé de son opérationnalisation.)

On comprend donc, à cette lumière, la hauteur de l’enjeu. Il s’agit bien, dans ces temps gigantesques, d’un épisode d’une bataille entre le Système et les antiSystème qui se dressent contre lui. Dans ce cadre-là, les choses basculent vite et, souvent, les moyens de ces basculements sont pleins de surprises.

 

Philippe Grasset

 

 

Note

(1) Sur ce point très précis, il faut espérer tout aussi précisément que les versions françaises des réseaux russes, notamment RT, seront développés avec énergie dans le but d’arriver à l’égal, en contenu, en rapidité de parution, en soutien par des textes et émissions d’analyse, au réseau étranger principal de RT qui est le réseau en langue anglaise. C’est loin d’être le cas pour l’instant. Les Russes doivent comprendre que la France est, dans la bataille du Système contre l’antiSystème, un enjeu capital et fondamental, qu'il faut mesurer en appréciations qualitatives et non en estimations quantitatives.

Un tournant ? Spoutnik-en-France et SYRIZA

Cette contribution à Ouverture libre prendra la forme originale d’un article présenté dans le cadre du lancement de la version française d’un important groupe de communication . Autant le lancement de cette “version” française du groupeSputnik.News que les sujets traités par un de ses plus brillants contributeurs dans l’article reproduit ici sont d’une actualité brûlante.

• Il faut donc dire d’abord quelques mots du lancement de la version française du groupe russe d’informationSputnik.News (prendra-t-il la dénomination fameuse de nos jeunes années 1957 et la suite de Spoutnik ?). On sait, par les divers textes publiés sur ce site, combien nous tenons pour importante l’activité de communication et d’information de la Russie telle qu’elle s’est radicalement transformée dans ces trois-six dernières années. (Voir notamment le 24 décembre 2014 et le 23 janvier 2015.) Nous avons pu mesurer la qualité de l’information d’origine russe, nettement tournée vers les crises internationales, constituant un antidote nécessaire face au déferlement d’anti-vérités de situation du bloc BAO. L’ouverture du site français (en français) de Sputnik.News (ce 29 janvier 2015 est une bonne nouvelle. Alexei Filippov présente cette initiative, ce même 29 janvier 2015.

• Le texte présenté ci-dessous est une contribution d’un commentateur français d’excellente renommée à Sputnik.News(France). Il est logique que Jacques Sapir, contributeur de longue date de sites russes, figure parmi les premières signatures diffusées par Sputnik.News (France). Son texte porte sur deux événements que Sapir met en parallèle : «l'arrivée de SYRIZA au pouvoir en Grèce, à la suite des élections du 25 janvier, et la nouvelle dégradation de la note de la Russie par l'agence Standard and Poor's.» (A propos du second qui est la question des agences de notation US détenant le monopole de leurs activités, on lira avec intérêt la nouvelle, diffusée par Russia Today le 28 janvier 2015, d’une déclaration de l’ambassadeur du Brésil en Russie annonçant que les BRICS vont se réunir en mars pour explorer la possibilité de mettre en place une agence de notation “indépendante”, c’est-à-dire hors de l’orbite du pouvoir-Système de Washington.) Le texte de Sapir est du 29 janvier 2015, évidemment sur Sputnik.News (France).

 

dedefensa.org

 

 

Un tournant?

Deux événements retiennent aujourd'hui l'attention : l'arrivée de SYRIZA au pouvoir en Grèce, à la suite des élections du 25 janvier, et la nouvelle dégradation de la note de la Russie par l'agence Standard and Poor's.

En apparence, rien ne relie ces événements. Pourtant, des liens existent dès que l'on accepte de sortir des évidences par trop rabâchées.

La victoire de Syriza

Législatives en Grèce: large victoire du parti d’extrême-gauche Syriza

Prenons tout d'abord la victoire, véritablement historique, de SYRIZA en Grèce qui a propulsée son chef, le charismatique Alexis Tsipras sous le feu des projecteurs. Ce parti est en réalité une alliance regroupant des anciens gauchistes, des anciens communistes, des écologistes, et des anciens socialistes. Ce qui a fait le ciment de cette improbable alliance, et qui explique son succès, avec plus de 36% des suffrages exprimés, c'est à la fois le refus d'une austérité meurtrière qui ravage la population grecque depuis 2010 et le refus de la soumission aux injonctions de Bruxelles et de la commission européenne. La question sociale, pour importante qu'elle soit, n'explique pas tout. Syriza s'est engagé dans un combat pour la souveraineté du peuple grec contre les bureaucrates de Bruxelles et de Francfort, siège de la Banque Centrale Européenne. La désinvolture affichée d'Alexis Tsypras, en veste et sans cravates, symbolise le changement face aux mines compassées et aux stricts costumes trois-pièces des bureaucrates européens. Ce symbole ne s'arrête pas à Athènes. La victoire de SYRIZA annonce peut-être celle de PODEMOS en Espagne au début de cet automne. Et, tout comme dans SYRIZA, la composante souverainiste est loin d'être négligeable dans PODEMOS, ou encore dans le parti Irlandais qui briguera lui-aussi la victoire au début de 2016, le SIN FEINN.

Mais, au-delà du symbole, il y a des actes. Et les premiers actes de Tsypras ont été des signaux très forts envoyés aux autorités de Bruxelles. Tout d'abord, il a constitué son gouvernement en passant une alliance avec le parti des « Grecs Indépendants » ou AN.EL. Beaucoup disent que c'est une alliance hors nature de l'extrême-gauche avec la droite. Mais ce jugement reflète justement leur réduction du combat de SYRIZA à la seule question sociale. Ce qui justifie l'alliance entre SYRIZA et les « Grecs Indépendants », c'est le combat pour la souveraineté. Tsypras, dans son premier discours, a d'ailleurs parlé de l'indépendance retrouvée de son pays face à une Union Européenne décrite ouvertement comme un oppresseur. Le deuxième acte fort du nouveau gouvernement a été de se désolidariser justement de la déclaration de l'UE sur l'Ukraine. Une nouvelle fois, l'UE condamnait la Russie. Tsypras a dit, haut et fort, que la Grèce n'approuvait pas cette déclaration, ni sur le fond ni dans sa forme, car elle avait été prise sans respecter les procédures internes à l'UE. Il est désormais clair que l'UE ne pourra plus raconter n'importe quoi sur la crise ukrainienne. La règle de l'unanimité s'applique encore. Le troisième acte a été la décision du gouvernement, annoncée par le nouveau ministre des Finances M. Varoufakis, de suspendre immédiatement la privatisation du port du Pirée. Cette décision signifie la fin de la mise à l'encan de la Grèce au profit de l'étranger. Ici encore, on retrouve la nécessité d'affirmer la souveraineté de la Grèce.

Une dégradation très politique

Dans le même temps, on apprenait que l'agence de notation Standard and Poor's avait dégradé la note de la Russie, plaçant cette dernière en catégorie spéculative. Si cela n'avait des conséquences économiques sérieuses quant aux entreprises russes et à leur capacité à emprunter sur les marchés financiers occidentaux, on pourrait rire de cette décision. Quelle « spéculation » y-a-t-il sur un pays dont la dette publique s'élève à 9% du PIB (contre plus de 90% pour celle de la France) et qui prévoit un déficit budgétaire de 1,5% en 2015, quand celui de la France sera largement au-delà des 3%? Il n'y a aucun risque quant aux finances publiques russes. Il n'y a d'ailleurs pas plus de risques sur les entreprises. On voit donc que seules des raisons politiques peuvent expliquer cette dégradation. D'ailleurs, l'agence chinoise Dragon Global Credit (DGC), au contraire confère à la Russie une excellente note. En fait, cette dégradation apparaît comme une nouvelle étape dans les « sanctions », décidées à Washington et imposées tant aux agences de notation qu'aux pays de l'Union Européenne. Il n'y a aucune rationalité économique derrière cette notation sinon le discrédit politique imposé par les Etats-Unis sur les marchés vis à vis de la Russie.

Et c'est ici que les deux événements se touchent. Avec l'élection de SYRIZA en Grèce, un grain de sable est en train de se glisser dans la machine européenne aux ordres des Etats-Unis. Avec la décision d'imposer à Standard and Poor's la baisse de la note de la Russie, les Etats-Unis sont probablement allés trop loin. Ils ont déconsidérés le processus de notation des dettes, ce qui va provoquer, à terme, une fragmentation de la finance internationale, et ce qui aura des conséquences désastreuses tant pour le Dollar que pour la puissance financière des Etats-Unis. En effet, il ne peut y avoir de marché international des dettes, qu'elles soient privées ou publiques, que si le jugement porté sur ces dernières — jugement certes imparfait, nous le savons depuis la crise des subprimes — est déconnecté de tout aspect politique. En oubliant cela, les Etats-Unis qui sont jusqu'à maintenant les principaux bénéficiaires de la globalisation financière, se sont tirés une balle dans le pied. La politisation du processus de notation des dettes ne peut qu'aboutir à un doute grandissant sur la nature de ces dettes, et donc à une « dé-globalisation » qui poussera chaque pays à adhérer à des blocs financiers au grès de ces choix politiques.

Athènes et Moscou

Il faut donc voir la victoire de SYRIZA dans son contexte international. Cette victoire est la première pierre apportée au tombeau d'une Europe bureaucratique, confite dans l'austérité, inféodée aux Etats-Unis. Les déclarations d'Alexis Tsypras sur l'Ukraine en particulier, en témoignent. Dans le même temps, emportés par leur désir de détruire la Russie, les Etats-Unis ont mis en marche le processus de destruction de la globalisation financière qu'ils avaient construite avec beaucoup de persévérance depuis 1975. Le fait que ces deux événements se soient produits à quelques heures d'intervalle est important. Il témoigne de ce que nous vivons aujourd'hui un moment où se retournent les grandes tendances du monde. Ce n'est pas le début de la fin comme le disait Churchill, mais la fin du début.

 

Jacques Sapir

http://fr.sputniknews.com/

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